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Revue de presse Numérique Responsable

Céline Puff Ardichvili, une communication green sans greenwashing


💾 Céline Puff Ardichvili, une communication green sans greenwashing

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Crédit Photo : Claire Grandnom

Céline Puff Ardichvili est une communicante engagée depuis plus de 10 ans. Directrice générale de Look Sharp, agence de relations publiques, elle travaille au quotidien à rendre la communication plus responsable face aux enjeux environnementaux.

Céline Puff Ardichvili - Crédit Photo : Claire Grandnom

« Si, pour un produit donné, on communique seulement sur les angles jolis mais qui en fait sont à la marge comparés à l’ensemble des effets négatifs générés, on occulte à dessein et savamment l’impact réel. ». Céline Puff Ardichvili, qui fêtera ses 51 ans dans quelques jours, est cash. Son parler va droit au but et ses convictions sont sans concession. « Dans un cas comme celui-ci, parler de “communication responsable”, c’est un oxymore. »

En ce dernier jour de printemps, nous retrouvons Céline au Maslow, petit troquet non loin des Quais de Seine à Paris, quelques jours après son intervention au premier Congrès de la Communication Responsable. A peine arrivés, le ton est donné, Céline est déjà sur le qui vive. Elle s’agace de cette maison de couture qui envahit l’espace public pour un défilé sur le Pont Neuf, à deux pas du Maslow, musique fracassante dans l’air. En fait, l’entrepreneuse est surtout prévenante, soucieuse qu’on ne soit pas au calme pour l’interview.

Céline pourrait être du genre très pressée avec un agenda millimétré compte tenu de ses responsabilités. Avec ses collègues et sa partenaire fondatrice de l’agence, chez Look Sharp, c’est une quinzaine de consultants qui suit une vingtaine de clients, tous en transition ou acteur de la transition des autres. Elle tient à les suivre dans leurs actions, « sinon ça n’a plus de sens d’être toujours dans la croissance et de ne plus connaître ses clients ». Malgré un emploi du temps chargé, la dirigeante prend le temps de nous recevoir. Elle nous parle de son déjeuner à suivre avec une femme passionnante, Audrey Boehly, ingénieure et journaliste scientifique, autrice du podcast Dernières Limites et du livre éponyme. Le sujet des limites parle à Céline : elle est elle-même la co autrice du livre l’Entreprise contributive : concilier monde des affaires et limites planétaires, sorti en 2021 aux éditions Dunod, et en septembre prochain en anglais.

Le feu à l’intérieur

Nous n’avons pas encore débuté l’entretien, qu’on sent le feu à l'intérieur de cette communicante engagée. Elle bout de constater que nombre de responsables, publics et privés, ignorent ou feignent d’ignorer le nécessaire changement de logiciel auquel il faudra bien procéder. Fille d’un papa ingénieur chimiste ayant travaillé dans l’environnement et d’une maman diététicienne, sa sensibilité à ces sujets n’est pas nouvelle. Pourtant, ce n’est que tardivement qu’elle va vraiment orienter sa vie professionnelle autour des enjeux environnementaux. « Quand je vois les jeunes aujourd’hui qui s’engagent si vite, qui comprennent si tôt les enjeux, je me dis : mais comment ai-je pu mettre autant de temps ? ».

Avant de se lancer avec Look Sharp, Céline, fraîchement diplômée d’une école de commerce, bourlingue dès 1994 aux USA puis à Londres où elle atterrit « vraiment par hasard » dans les Relations Publiques. Ses activités l’ont même menée jusqu’à Tahiti où elle a travaillé pour un perliculteur. Autant d’expériences qu’elle regarde désormais avec plus de circonspection au vu des enjeux qu’elle défend : « j’ai deux grandes ados, j’aurais aimé les emmener là où j’ai vécu, à Tahiti, mais je me suis dit : est-ce que ce serait bien cohérent ? ».

Après d’autres expériences qui accentuent sa dissonance cognitive (phénomène qui se crée lorsqu’on n’est plus en accord avec les valeurs et impacts de son activité), elle décide de reprendre le chemin des études. « Quand j’ai peu à peu réalisé que je commençais à faire vraiment du greenwashing, je savais que quelque chose ne tournait pas rond ».

En quête de légitimité

En 2010, Céline revient donc sur les bancs de l’école et entame un Master en Développement Durable à l’Université Paris-Dauphine. Elle y trouve le sens qu’elle recherche et des « copines pour la vie », qui elles aussi ont entamé une réflexion et une remise en question. C’est à la suite de cette formation qu’elle se lancera avec Béatrice Lévêque, “Béa”, sa partenaire comme elle l’appelle, dans l’aventure Look Sharp.

Lorsqu’on lui demande pourquoi elle est restée dans les métiers de la communication, elle répond que c’est parce que c’est là où elle se sent légitime. Créer des liens qui ont du sens et de tenter d’être utile là où elle est : c’est ainsi qu’elle aime son métier. Pour cette entrepreneuse, la légitimité est essentielle. Son master à Dauphine pour tenter de mieux comprendre les enjeux environnementaux et sociétaux, joue un rôle essentiel dans cette quête de légitimité. Elle y a mis beaucoup d’investissement personnel : « Au regard de ces efforts, je ne peux désormais plus faire autre chose. Je ne lis quasi plus de romans depuis 12 ans, je ne lis que des livres à propos de ça ».

Rester dans les métiers de la communication, c’est aussi pour Céline un moyen de pouvoir « poser les questions pas toujours agréables » à ses clients. Elle défend une communication qui expose réellement les impacts, seule solution pour restaurer la confiance avec les parties prenantes. « Les relations publiques, l’influence, c’est l’angle mort, c’est fait pour “passer sous le radar”. Au regard des enjeux, on ne peut plus utiliser la communication pour masquer : on doit utiliser la communication pour révéler. Pour moi, il faut communiquer, c’est nécessaire bien sûr, mais au juste niveau par rapport aux actions, et de manière transparente. On doit dire, avec humilité, où on en est sur le chemin ».

Mais si on n’a pas de trajectoire, évidemment, c’est un problème. Pour elle, pas question de travailler avec des clients qui ne se posent pas la question avec sincérité de comment trouver leur place dans une société qui doit faire face aux enjeux du siècle. « On n’est pas des béni-oui-oui de la communication. » Si des entreprises viennent les voir pour communiquer mais ne sont pas en train de remettre en question leurs pratiques, elle tente même de les orienter vers des cabinets de conseil spécialisés et de conduite du changement qui travaillent sur ces sujets. « J’ai même fait une liste de ces cabinets pour les aider à arrêter de se chercher des excuses ! »

Engagée mais pas naïve

Tout le monde n’est pas du même avis que Céline Puff Ardichvili sur la notion de responsabilité dans la communication. La semaine précédente au Congrès de la Communication Responsable, elle a rencontré Patrick Bonin (Groupe Jin) et Charles-Antoine Coulomb (Agence Hopscotch) à l’occasion d’une table ronde. Ils l’ont vivement interpellée sur l’importance « de ne pas opposer l’ancien monde et le nouveau monde », c’est-à-dire ne pas opposer les entreprises en transition et celles qui ne le sont pas encore.

Patrick Bonin explique qu’il croit beaucoup en « la vertu des labels et des normes : cela amène les clients à se mettre en mouvement ». Les normes et la régulation forte, oui, mais pour les labels RSE, Céline y voit plutôt des outils rarement assez confrontants pour créer un véritable déclic - certains restant à la surface des enjeux.

Pour Patrick Bonin et Charles-Antoine Coulomb, la dirigeante de Look Sharp porte une vision « idéaliste » mais qui ne peut pas s’adresser à tout le monde. Un jugement que l’intéressée balaie aussitôt d’un revers de la main : « je suis engagée mais pas naïve. Les entreprises vont devoir bouger. Mieux vaut ne pas être la dernière ». D’ailleurs, ces interpellations ne la préoccupent guère. Sur cette tribune, c’est surtout la non transition des agences qu’elle critiquait, plus que celle des entreprises qu’elles servent… « Certaines agences vont devenir obsolètes ».

Pendant la table ronde, Amélie Deloche, co-fondatrice du collectif Paye ton influence, la quatrième intervenante, assène, en s’inscrivant dans les pas de Céline : « Il y a des choix à faire entre ce qu’on veut garder et ce qu’on veut enlever ; on ne peut pas faire la transition avec les entreprises de l’ancien monde ». Et Céline d’ajouter : « Tout ce qu’on produit aujourd’hui en communication, c’est de l’impact sur le scope 3 - c’est à dire l’impact indirect, via nos clients. Par exemple, si on travaille pour une entreprise qui est sur la liste noire d’une ONG, l’essentiel de notre impact négatif est là, dans l’activité de cette entreprise qu’on valorise ! ».

De cette joute verbale, Céline en garde encore un certain agacement. « Au fond de moi je bouillais. De temps en temps, je regardais Béa qui était là dans la salle pour qu’elle m’aide à rester calme. J’ai l’impression d’être tout le temps énervée et je n‘aime pas ça, mais dans mon métier il y a des agences qui font couler le ciment sur le fameux triangle de l’inaction. »

Ce qu’elle prône surtout, c’est que les prospects ou les clients demandent aux agences une vraie transparence quant à leur portefeuille client. « Je doute qu’un acteur de l’impact, par exemple, soit ravi de figurer au palmarès d’une agence aux côtés d’une organisation dont l’activité n’est pas compatible avec l’Accord de Paris, mais dont elle ne se vantera pas sur son site internet. »

Quand il s’agit d’évoquer les lueurs d’espoir qu’elle entrevoit, son visage se ferme, ses traits se plissent. « On laisse un tel fardeau à nos enfants, ce qu’on leur donne à gérer est effrayant ». Elle croit en notre capacité d’adaptation mais s’inquiète qu’une grande partie de la population n’ait pas les moyens de le faire. Ce qui lui redonne le sourire, ce sont les jeunes qui se mobilisent et en inspirent d’autres. Elle cite tour à tour Loup Espargilière et Juliette Quef (Vert, le média), Camille Etienne (militante écologiste), Julia Faure (Loom). « C’est eux qui contribuent à inspirer les jeunes et les moins jeunes en montrant le chemin et en démontrant qu’on peut faire autrement. Donc c’est eux ma lueur d’espoir au quotidien ».

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